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Discours de S.E. Moussa Faki Mahamat Président de la Commission de l'Union Africaine à l'occasion de la quatrième session de la cinquième législature du Parlement Africain

Discours de S.E. Moussa Faki Mahamat Président de la Commission de l'Union Africaine à l'occasion de la quatrième session de la cinquième législature du Parlement Africain

June 28, 2022

Excellence Naledi Pandor, Ministre des Relations internationales et de la Coopération de la République d’Afrique du Sud

Honorables parlementaires panafricains,

Monsieur l’Ambassadeur Bankolé Adeoye, Commissaire aux affaires politique, à la paix et à la sécurité de l’Union africaine,

Excellences Mesdames Messieurs les membres du corps diplomatique,

Distingués invités,

Mesdames Messieurs,

C’est avec un grand plaisir et une poignante sensation de solennité que je prends la parole aujourd’hui en ce haut lieu du parlementarisme africain. Dans cet hémicycle où s’exprime en toute liberté la voix des peuples africains, je vous adresse mes salutations fraternelles les plus chaleureuses. 

Votre présence massive à cette session dont l’importance n’échappe à personne, prouve à elle seule la gravité de l’instant et donne la mesure des attentes et espérances nouées autour de la session qui s’ouvre ce matin.

Institué en vertu de l’article 2 du Protocole relatif à la Communauté Économique africaine adoptée à Syrte en Libye le 2 mars 2001, le parlement panafricain en dépit des immenses espoirs qu’il a éveillés est demeuré à la recherche de son vrai ancrage et d’une efficiente fonctionnalité. 

L’Acte constitutif de l’Union africaine lui a aménagé une place privilégiée dans l’architecture institutionnelle de notre Union. Je reconnais cependant qu’en dépit de cette volonté affichée de nos Chefs d’État de le positionner en troisième place après la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement et le Conseil exécutif, le parlement panafricain est demeuré essentiellement consultatif, assez tenu à l’écart des exigences d’une institution agissante et créatrice de droit. La pleine et entière participation des peuples africains au développement et à la l’intégration économique du continent par son biais est resté en deçà des attentes. Honorables parlementaires panafricains, nous autres et nos gouvernements avons ici un long chemin à parcourir pour que vous puissiez, comme le veulent la raison et la sagesse, vous trouver dans les meilleures conditions incitatives à l’accomplissement de votre si noble mission. 

Ai- je besoin de souligner que cette noble mission est celle- là précisément qui dicte l’éthique et les vertus morales qui doivent inspirer vos actions, vos comportements et vos stratégies politiques.

Il est connu et reconnu que les parlements, de par le monde, sont des hauts lieux de débats et de confrontation d’idées. Ces débats peuvent, ici et là, de temps en temps, revêtir un caractère plus ou moins houleux. Débattre et non combattre est la marque de la vie parlementaire.

Dans certaines circonstances, les codes sociaux et les normes de comportement les mieux établis peuvent être remis en cause de manière brusque, brutale et inattendue. Il n’est pas inutile de rappeler aux uns et aux autres les devoirs de modération, de pondération, le sens de la mesure, la maitrise de soi qui doivent, en tout temps, être l’apanage des personnalités appartenant à une si honorable et prestigieuse institution.

Les évènements malheureux survenus dans cet hémicycle les 27 mai et 30 juin 2021 à l’occasion des élections avortées au bureau du Parlement panafricain ont jeté un grand discrédit sur l’image de cette institution et sur celle de l’ensemble du continent. Les scènes insoutenables diffusées par les chaines de télévision et dans les réseaux sociaux ont ému des citoyens africains médusés par un tel abaissement du Parlement. Ces actes frappés du sceau de la transgression et du déshonneur ont été condamnés à travers le continent.

En ma qualité de représentant légal de l’Union et de garant du bon fonctionnement de tous ses organes et institutions, j’ai alors demandé, toutes affaires cessantes, la suspension des activités parlementaires jusqu’à nouvel avis. Bien entendu, dans ce genre de situation, il convient toujours de faire la part des choses et d’établir les responsabilités des uns et des autres.

A l’évidence, tous les parlementaires n’ont pas participé aux rixes du 27 mai et du 30 juin 2021. Beaucoup d’entre vous ont condamné ces débordements et s’en sont désolidarisés. Il faut s’en féliciter. C’est le lieu de rappeler que l’on retrouve dans ce parlement des hautes personnalités qui font partie de la crème de l’élite politique africaine : présidents d’assemblées nationales, présidents de Sénat, anciens premiers ministres, anciens ministres, présidents de groupes parlementaires nationaux et bien d’autres. Les scènes rappelées plus haut ont dû leur briser le cœur.

Honorables, Mesdames Messieurs,

L’heure est venue de tourner définitivement ces pages tristes et sombres de l’histoire du Parlement panafricain et de répartir d’un bon pied. L’heure est donc venue de renouer avec les nobles comportements qui ont longtemps caractérisés les parlementaires panafricains et qui ont fait la fierté de l’Union africaine. L’heure est enfin venue pour que le dialogue fraternel, dans un climat apaisé, prenne le pas sur la confrontation.

La reprise des activités parlementaires tant souhaitée par l’écrasante majorité d’entre vous passe évidemment par l’élection d’un nouveau bureau. Cette élection a d’ores et déjà fait couler beaucoup d’encre. Les cinq caucus régionaux se sont longuement exprimés au cours des consultations qui se sont tenues ici à Midrand pour le caucus d’Afrique australe et à Addis-Abeba pour les caucus d’Afrique centrale, du Nord, de l’Est et de l’Ouest. Les positions des uns et des autres sont connues notamment sur le principe de rotation. Le débat juridique sur cette question est sain et utile.

Je voudrais ici être clair et sincère avec vous tous. 

Il est en effet regrettable que le protocole instituant la rotation ne soit pas entré jusqu’ici en vigueur, faute d’un nombre suffisant de ratifications. Cela au strict plan juridique n’est pas sans effet. Évidemment. 

Il est aussi indéniable que la rotation est un principe fondamental d’équité et de justice. Il gouverne la plupart de nos institutions.

Vous savez tous comment la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement a dû annuler et reprendre les élections au poste de Directeur général de l’AUDA NEPAD pour le simple fait que tous les candidats arrivés en tête étaient de la région du directeur sortant.

Alors, je vous le demande clairement que faut- il privilégier ? Le formalisme juridique résultant des retards de ratification d’un texte ou l’attachement à un principe fondateur? A quoi nous en tenir ? La forme ou le fond dans cette controverse ?

A ce tournant de l’histoire de notre continent, il me parait plus pertinent de s’en tenir à l’essentiel. Et l’essentiel c’est de se rassembler autour de nos convergences en minimisant nos divergences, l’essentiel, c’est de nous aligner derrière nos idéaux de solidarité, de partage et de concorde afin de mieux nous préparer à affronter ensemble les défis énormes auxquels fait face notre continent : défi sanitaire avec la pandémie de la Covid 19 et ses graves conséquences économiques et sociales ; défi sécuritaire avec la progression continue du terrorisme et son cortège de morts et de vies brisées ; défi climatique avec la terrible sécheresse et les multiples inondations qui frappent certaines parties du continent, entrainant désolation et désespoir ; défi alimentaire avec les conséquences déjà visibles de la guerre en Ukraine ; défis politique et démocratique, situation inédite dans le continent, quatre Etats membres ont été suspendus.

Ces multiples défis interpellent au plus haut point la conscience des représentants des peuples africains que vous êtes. Face à ces défis colossaux et à la nécessité d’une mobilisation générale, l’Union africaine ne peut se payer le luxe d’une crise qui perdure au sein d’un de ses organes clé.

Le Parlement panafricain doit se mettre en ordre de bataille pour s’impliquer résolument dans le plaidoyer en faveur du continent.

Les décisions 1128 et 1148 prises par le Conseil exécutif et approuvées par la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement prescrivent la tenue des élections au bureau du Parlement panafricain selon le principe de rotation pour permettre à celles des deux régions n’ayant pas encore présidé le bureau de la faire. Ces décisions ne visent pas l’effacement des textes juridiques en vigueur au sein du Parlement. Elles ont pour seul et ultime objectif de permettre le déblocage d’une situation devenue intenable. Elles doivent être respectées et appliquées. A situation exceptionnelle, solution exceptionnelle. C’est une question de responsabilité de dernier ressort de l’organe suprême de l’Union qu’est la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement. Il n’y a qu’un grand honneur que de l’appliquer . 

Honorables, Mesdames Messieurs,

Il n’y aura, ce faisant, ni vainqueurs ni vaincus. Ce sera une victoire collective, la victoire de la raison, du dépassement de soi et du fair-play, la victoire de l’Afrique que nous voulons.

L’Afrique ne se construira pas par des majorités manichéennes. Ni par des victoires à la Pyrrhus. Encore moins au cris d’après moi, le déluge.

L’Afrique triomphera en transcendant ce que Mandela appelait les fragilités de l’être humain que sont l’égoïsme, l’incapacité de pardonner et l’esprit de revanche . 

Faisons ensemble honneur à sa mémoire, particulièrement ici en Afrique du Sud.

Honorables parlementaires panafricains, je vous invite donc à aller massivement aux urnes demain, le 29 juin 2022 pour accomplir votre devoir électoral et ouvrir ainsi une nouvelle page dans la vie de votre institution et dans la marche en avant de notre organisation continentale en vue du triomphe des idéaux du panafricanisme si chers à nos Pères fondateurs.

Je vous remercie de votre bienveillante attention.

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