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Discours de S.E. Moussa Faki Mahamat Président de la Commission de l’Union Africaine à l’Occasion de la Trentième (30ème) Commémoration du Génocide contre les Tutsi au Rwanda

Discours de S.E. Moussa Faki Mahamat Président de la Commission de l’Union Africaine à l’Occasion de la Trentième (30ème) Commémoration du Génocide contre les Tutsi au Rwanda

April 07, 2024

Excellence Monsieur Paul Kagame, President de la Republique du Rwanda

Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat, de Gouvernement et de Délégations

Mesdames les Premières Dames

Excellences Mesdames et Messieurs les anciens Chef d ;État et de Gouvernement,

Mesdames et Messieurs les Chefs des Organisations Internationales et Régionales

Chers Frères et Sœurs rwandais,

Distinguées Invités, Mesdames Messieurs, 

C’est toujours un moment de rendez- vous fort avec mille et une intense émotions, de profond questionnement et de sentiments admiratifs des capacités de relèvement, chaque fois que nous foulons le sol de ce pays sorti vers le haut de ses cendres. Le Génocide contre les Tutsi dont nous méditons la trentième commémoration aujourd’hui est, pour moi, tout cela à la fois.

Il y a trente ans, l’horreur s’abattait sur le Rwanda. Des forces meurtrières, nourries par de funestes idéologies ethnicistes, répandaient un discours de haine, un discours manipulateur, un discours avilissant au sein de la population de ce beau pays connu pour la douceur de son climat et la verdure de ses collines.

Comme résultat, dans l’intervalle de trois mois, plus d’un million de Tutsi avaient été décimé dans d’abominables conditions de souffrance et d’inhumanité.

Trois décennies après le déclenchement de cette horreur indescriptible, nous sommes toujours interloqués, douloureusement questionnés sur l’absurdité, la déraison, la folie, le dépassement éhonté des limites de notre humanité. Comment ? Pourquoi ? Pour quelles fins ? Quels mobiles ? Quelle soif étanche-t-on par l’extermination des autres, de tous les autres ? Que pourrons- nous nous dire ou faire aujourd’hui ? 

D’abord accomplir un devoir de remembrance.

Il faut, en effet, se souvenir pour ne pas oublier. Il faut se souvenir, ensuite, pour comprendre la profondeur des blessures infligées. Il faut se souvenir, enfin, pour mesurer la bestialité qui somnole en l’homme et trouve paradoxalement un exutoire dans une totale destruction de la dignité humaine, dans les crimes intrafamiliaux, et autres commis au grand jour parfois en plein sites religieux, lesquels, dans un tragique retournement inattendu de rôle, s’étaient rendus complices d’une malfaisance inadmissible et généralisée. 

Il faut se souvenir, de surcroît, surtout pour apprécier, sur fond de fierté inaltérable, le chemin parcouru par le Rwanda depuis cette sombre époque. Comment, de ce grand malheur qui semblait avoir irréversiblement anéanti la nation rwandaise, s’est édifiée une nouvelle réalité nationale égalitaire, forte, structurée, en constant progrès dans son dessein d’unité de prospérité collective.

Visitons, en un mot, le chemin. Il est balisé, en premier lieu, par une réconciliation des cœurs, des esprits, des consciences. Cette refonte des âmes, s’est élaborée à travers une combinaison réussie des ressources de la justice et des sources de la sagesse africaine. Éclairée par une volonté politique trempée dans l’acier et marquée par une obstination à atteindre le but poursuivi, le processus de relèvement rwandais s’est projeté, à corps perdu, dans le futur. 

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Dans un environnement africain et international profondément conflictuel, se nourrissant de discriminations tribales, raciales, religieuses, culturelles, économiques, voire civilisationnelles, le Rwanda, en toute humilité, offre un modèle dont la résonance positive transcende les frontières de l’Afrique et s’inscrit dans une typologie universaliste. 

Soyez fiers, chers Frères et Sœurs rwandais du parcours de votre pays.

Ce panorama saisissant est dessiné, d’une part, par les malheurs et, d’autre part, par la construction patiente et méthodique d’un ordre social en pleine réconciliation. 

Comment, dès lors, ne pas s’incliner devant le génie du peuple rwandais qui a su, sous un leadership exemplaire à tous égards, transcender toutes les fragilités de l’être humain.

En dernière analyse, il faut se souvenir, se souvenir pour renouveler le serment « Plus jamais ça ». « Plus jamais ça » c’est aussi un serment de fidélité aux valeurs élevées de travail, d’empathie et de solidarité qui raffermissent les liens d’humanité entre tous les hommes et toutes les femmes du pays.

L’Union africaine, dont toutes les nations furent profondément bouleversées par l’indescriptible tragédie du Génocide contre les Tutsi, n’avait malheureusement pas trouvé, au moment du drame, à l’instar d’autres acteurs internationaux dont la responsabilité aujourd’hui est établie, les réponses appropriées.

Le rappel historique de toute a l’heure, nous interpelle. Personne, y compris l’Union africaine ne saurait se disculper de son inaction face a la chronique d’un génocide annoncé. Ayons le courage de le reconnaître et surtout de l’assumer. C’est n’est pas trop cher payé vis-à-vis des victimes et de leurs descendants.

L’Afrique pourtant rejette avec une totale aversion l’idéologie criminelle et abjecte du génocide dans ses composantes faussement justifiées ou nourries par la haine, l’ethnicité, le suprématisme, l’exclusion et toutes les formes de négation de l’autre.

Aussi, puis- je annoncer, dans cet esprit, ma décision de nommer, à l’occasion de ce trentième commémoration , un envoyé spécial pour notre action multiforme contre le génocide en la personne de Monsieur Adama DIENG qui a longtemps travaillé au tribunal pénal d’Arusha sur le génocide contre les Tutsi et ailleurs aux Nations -Unies sur les mêmes problématiques.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

La trentième commémoration du Génocide contre les Tutsi résonne tel un hymne chanté, en cœurs endeuillés, à la gloire du dépassement de soi pour monter plus haut, encore plus haut que les sommets des milles collines caractéristiques de ce pays, plus haut que cet arbre florissant, toujours plus, sur l’échelle des valeurs humanistes créatrices de concorde, de prospérité inclusive et de bonheur collectif partagé.

Que les vivants demeurent fidèles à ce serment. 

Que les morts, vivants dans nos consciences, reposent dans la paix éternelle. 

Je vous remercie de votre bienveillante attention.

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