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Allocution du Président de la CUA, S.E. Moussa Faki Mahamat, à la réunion extraordinaire du Conseil exécutif élargie aux ministres chargés des ACP et/ou des relations avec l'Union européenne sur la négociation d'un nouvel accord de coopération post-2020

Allocution du Président de la CUA, S.E. Moussa Faki Mahamat, à la réunion extraordinaire du Conseil exécutif élargie aux ministres chargés des ACP et/ou des relations avec l'Union européenne sur la négociation d'un nouvel accord de coopération post-2020

September 14, 2018

Madame la Présidente du Conseil exécutif,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères de l’Éthiopie,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers collègues des Communautés économiques régionales,
Madame la Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique,
Distingués Représentants permanents des États membres auprès de l’Union africaine,
Mesdames et Messieurs,

Pour la deuxième fois en moins de six mois, vous voilà réunis en session extraordinaire pour débattre de la relation de l’Afrique avec l’Union européenne après l’expiration, en 2020, de l’Accord de partenariat de Cotonou. Cette mobilisation atteste l’importance du sujet qui motive cette session.

Je suis reconnaissant aux Ministres qui ont répondu favorablement à notre invitation. Comme demandé par le Sommet de Nouakchott, en juillet dernier, les délégations ici présentes incluent non seulement des Ministres des Affaires étrangères, mais aussi ceux en charge des ACP et/ou des rapports avec l’Union européenne. Je m’en félicite.

La complexité des questions en jeu est telle que nous devons mettre à contribution toutes les ressources à notre disposition pour garantir la qualité et la pertinence des décisions qui seront prises.

Mesdames et Messieurs,

Il vous souviendra que la session extraordinaire de Kigali, en mars 2018, avait adopté la Position commune africaine sur un nouvel Accord de coopération avec l’Union européenne après 2020. Il me semble important de rappeler les aspects les plus saillants de cette Position:

(i) premièrement, la volonté de conclure un accord de continent à continent, distinct du cadre du Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et traitant l’Afrique comme une seule entité indivisible;

(ii) deuxièmement, la nécessité pour tout nouvel accord de coopération d’être un levier de plus pour faire avancer l’intégration économique et le développement du continent, dans le cadre de l’Agenda 2063 et des politiques et programmes connexes de l’Union africaine;

(iii) troisièmement, la préservation des acquis, intérêts et spécificités des pays et régions concernés;

(iv) quatrièmement, l’importance que revêt le développement d’un partenariat spécifique avec les régions des Caraïbes et du Pacifique, eu égard aux liens particuliers qui les unissent à l’Afrique.

Cette Position commune fut subséquemment enrichie lors d’une réunion tenue à Addis Abéba en mai 2018.

J’ai, par la suite, écrit aux chefs d’État et de Gouvernement pour souligner l’opportunité qu’offre l’expiration de l’Accord de Cotonou pour bâtir un nouveau cadre de coopération avec l’Europe. J’ai aussi appelé l’attention sur l’importance pour l’Afrique de parler d’une seule voix pour défendre effectivement ses intérêts, particulièrement au regard du contexte international actuel marqué par un affaiblissement du multilatéralisme et la restructuration en cours de l’ordre mondial.

Malheureusement, la réunion ministérielle des ACP qui a eu lieu à Lomé en mai 2018 a mis à jour des différences d’approche entre nos États et Communautés économiques régionales quant à la nature du futur partenariat avec l’Union européenne après 2020. De fait, la Présidente du Conseil exécutif n’a pu prendre la parole à cette occasion pour expliquer la Position commune.

C’est dans ce contexte que le Sommet de Nouakchott a réaffirmé la nécessité d’œuvrer en faveur d’un accord post-Cotonou entre l’Union africaine et l’Union européenne qui traite l’Afrique comme une entité une et indivisible, tout en préservant les intérêts spécifiques de chaque région et de chaque pays. Dans le même temps, la Conférence a reconnu la nécessité de poursuivre les consultations afin de consolider la Position commune, appelant à cet effet au report du commencement des négociations.

Dans la période qui a suivi, la Commission s’est employée à assurer le suivi de cette décision. À cet égard, j’ai écrit au Président de la Commission européenne et au Secrétaire général des ACP pour transmettre la demande de report du commencement des négociations, telle que formulée à Nouakchott. Je voudrais ici remercier l’Union européenne et les ACP pour la compréhension dont ils ont fait preuve en donnant une suite positive à notre demande de report.

Pour sa part, mon Haut Représentant, Carlos Lopes, dont la nomination a été favorablement accueillie à Nouakchott, a initié de consultations avec différents acteurs, aux fins d’aider à consolider le consensus africain sur le partenariat avec l’Union européenne post-2020. Le rapport qu’il m’a soumis vous a été distribué. C’est ici pour moi l’occasion de lui exprimer ma gratitude pour le travail remarquable accompli, mais aussi de remercier la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique et sa Secrétaire exécutive, Mme Vera Songwe, pour l’appui technique apporté à mon Haut Représentant.

Mesdames et Messieurs,
Votre réunion doit permettre de dégager un consensus renforcé entre les États membres sur la marche à suivre. Les négociations sur le nouvel accord qui gouvernera la relation avec l’Union européenne après 2020 débuteront le mois prochain. C’est dire que le temps presse, et que cette rencontre doit être définitivement marquée par la fin de notre préparation à la négociation.

Dans l’examen de la position qui devrait être la nôtre, il me semble crucial de prendre en compte les évolutions survenues sur le continent depuis la signature de l’Accord de Cotonou, il y a de cela près de deux décennies. La tendance sur laquelle nous pouvons tous nous accorder porte sur la volonté politique renouvelée d’approfondir l’intégration du continent, d’accélérer la réalisation de la paix et de mieux faire entendre la voix de l’Afrique sur la scène internationale.

La naissance de l’Union africaine, en 2002, a procédé précisément de cette nouvelle volonté politique. L’Agenda 2063 a permis d’articuler de façon plus détaillé la vision qui est la nôtre. Les instruments récemment adoptés sur la Zone de libre-échange et la liberté de circulation des personnes, ainsi que sur le Marché unique sur le transport aérien, ont conforté cette dynamique.

Sur le plan de la paix, de la sécurité et de la gouvernance, l’Afrique s’est affirmée avec force. Tant au niveau continental que régional, nous nous sommes dotés d’outils novateurs pour nous permettre d’arriver aux objectifs fixés, dans l’esprit de l’appropriation continentale et du leadership africain. Sur le terrain, les institutions africaines font preuve d’un dynamisme incontestable, pour prévenir la survenance des conflits, régler ceux en cours et mener, dans la durée, des actions de nature à renforcer la démocratie, les droits de l’homme et la gouvernance à travers le continent. Certes, de nombreux défis restent à surmonter. Mais la voie tracée est claire.

Au cours de cette période, la problématique de la migration a acquis une nouvelle dimension. Nous en connaissons les drames avec les périlleuses traversées du désert dans le Sahel et de la mer Méditerranée qui font tant de ravages au sein de notre jeunesse et les traitements inhumains auxquels ces migrants sont soumis. Chez nos partenaires européens, la question migratoire nourrit toutes sortes de fantasmes, tant et si bien qu’elle a fourni le terreau qui a permis la banalisation des discours racistes et xénophobes et la montée de mouvements qui s’en font les hérauts. Elle est devenue un élément central dans la relation entre l’Europe et l’Afrique.

Il est, dès lors, évident que tout accord avec l’Union européenne doit conforter l’évolution vers plus d’intégration et aider à accélérer le développement du continent. Celui-ci doit aussi dûment prendre en compte les différents outils élaborés par l’Afrique en matière de paix, de sécurité et de gouvernance, pour assumer elle-même les responsabilités y afférentes.

En bref, le partenariat avec l’Union européenne post-2020 ne peut être une simple reconduction de l’existant. Nous devons sortir de la logique donateur-récipiendaire qui a caractérisé l’Accord de Cotonou. En d’autres termes, le nouvel Accord ne peut échapper au processus d’ajustement entamé s’agissant de l’ensemble des autres partenariats stratégiques dans lesquels notre Union est engagée. Au demeurant, c’est à cet aggiornamento qu’a appelé la Déclaration conjointe qui a sanctionné le 5ème Sommet Union africaine-Union européenne tenu à Abidjan en novembre 2016. Il y est question d’un changement de paradigme pour favoriser un partenariat plus étroit et qui soit mutuellement bénéfique.

Cette approche est en droite ligne avec le discours prononcé par le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, à Strasbourg, en France, le 12 septembre 2018, dans lequel il a plaidé pour une nouvelle alliance entre l’Afrique et l’Europe, y compris un accord de libre-échange de continent à continent. Il a souligné la nécessité de faire évoluer les nombreux accords qui existent entre pays africains et l’Union européenne. Ce faisant, il épouse notre vision d’un partenariat qui vienne en appui à nos propres efforts, y compris la Zone de libre-échange continentale africaine.

C’est pourquoi, dans ma note qui introduit le rapport de mon Haut Représentant, j’ai insisté sur le fait que l’accord futur doit couvrir une variété de questions liées à la transformation économique de l’Afrique, au commerce, à l’aide au développement, à la paix et à la sécurité, ainsi qu’à la migration et à la mobilité.

La prise en compte adéquate de ces préoccupations aura forcément des conséquences sur la forme de l’Accord à conclure avec l’Union européenne. Ici, le débat a schématiquement porté sur l’opportunité du maintien du cadre actuel de négociations ou sur la conclusion d’un accord spécifique de continent à continent, sans lien aucun avec tout autre accord que l’Union européenne signerait avec d’autres régions.

Je crois qu’il est parfaitement possible de trouver une formule qui permette de concilier l’impératif d’un instrument propre à l’Afrique négocié par une équipe purement africaine et le maintien d’un chapeau commun à l’Afrique et aux pays des Caraïbes et du Pacifique. Ce chapeau devrait rester au niveau de principes généraux, cependant que les aspects liés aux modalités, au financement et à d’autres détails pratiques seraient traités dans l’instrument relatif à l’Afrique.

Dans vos délibérations, il est attendu que vous échangiez sur la composition de l’équipe de négociation africaine et sur sa stratégie. Cette discussion s’impose d’autant plus que le contexte qui avait présidé aux décisions initiales sur ces questions a quelque peu évolué. Nous devons, s’agissant notamment de l’équipe de négociation, prendre en compte les impératifs de flexibilité, d’efficacité et de représentativité, étant entendu que la Commission jouera un rôle d’appui. C’est à cette condition que nous pourrions peser véritablement sur la négociation.

Des passerelles devraient être développées entre l’équipe de négociateurs africains et celle des ACP. Toutes deux rendraient compte aux instances compétentes de l’Union africaine selon des modalités à déterminer.

Mon Haut Représentant aura l’occasion de présenter plus en détail les options qui nous semblent être les plus idoines et d’interagir avec vous pour fournir les clarifications qui seraient nécessaires.

Mesdames et Messieurs,
Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer dans la lettre que j’ai adressée aux chefs d’État et de Gouvernement de notre Union, en mai dernier, l’expiration de l’Accord de Cotonou nous offre une occasion unique: celle de bâtir une nouvelle relation avec l’Union européenne qui donne priorité à l’intégration et au développement durable, conformément à l’Agenda 2063. Cette opportunité doit être saisie.

Pour ce faire, l’unité de l’Afrique est essentielle. L’affaiblissement inquiétant de l’ordre multilatéral, les approches sélectives du respect du droit international et la montée des égoïsmes nationaux ailleurs dans le monde nous imposent de resserrer nos rangs, pour faire entendre notre voix et défendre nos intérêts. Toute autre voie est suicidaire.

La formule de Nkrumah sur la nécessité de s’unir pour ne pas périr - «Unite or Perish» - est plus que jamais d’actualité.

Puisse-t-elle guider vos délibérations.

Je vous remercie de votre aimable attention.

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